sabato 24 settembre 2022

Un bébé à Rome, tout un poème

A Rome avec Susie Morgenstern à la présentation de Pour toi bébé à la librairie Stendhal, le 16 et 17 septembre derniers, j'ai pu parler de mon travail de création sur les poèmes écrits par Susie. Voici le résumé de cette belle rencontre.

Quand j’ai lu pour la première fois les poèmes de Susie je me suis dit: “Enfin, un livre pour bébés plein de douceur mais sans mièvrerie!”. Et c’est cela qui a été mon étoile polaire tout au long du travail d’abord d’intérpretation du texte et puis de réalisation des images: la tendresse sans affectation.

Un bébé c’est un être humain qui débute, qui vient carrément d’exister et qui a un potentiel inouï, pas encore exprimé. Ceci a pour moi une charge émotionelle et une énergie très fortes. Je voulais faire sentir tout cela, le déclencher. De plus, à l’images des poèmes de Susie qui tour à tour sont doux, éspiègles, vrais, poètiques ou drôles, j’ai essayé d’exprimer cette énergie par la variété. 


Dans les poèmes de Susie il y a la richesse d’une vie qui commence à travers les petites grandes conquètes du quotidien. Et il y a aussi le partage, la presence d’un monde autour du bébé, un contexte parentale et familiale qui se prend soin de lui, le suit, l’aide et le regarde grandir. L’enfant n’est pas seul dans son aventure de vie qui débute. 



Les images accompagnant ces mots montrent l’enterprise courageuse et constante de l’apprentissage du bébé. Mais parfois les illustrations s’evolent plus loin: elles imaginent avec ironie de grandes gestes derrières les petits, dans un futur fantastique, grandieux et drôle: le bébé à la conquète du Monde, carrément, chevauchant une baleine, un lion ailé. Et puis le bébé capitaine de navire, chevalier, dresseur d’animaux... 




Dans cette varieté il y a aussi la place pour d’autres aspects et sentiments, si poignants et vrais: certaines images montrent alors la creature fragile et tendre qu’on garde entre ses bras, qu’on veut proteger, celle qui se blottit contre nous. Des images plus intimes, ou nocturnes, silencieuses ou poètiques.



Les illustrations naissent parfois en échos aux poèmes, se réfèrent directement aux images et aux situations que les mots évoquent. En revanche, d’autres images naissent bercées par les mots, elles interprètent une parole qui agit d’étincelle et construisent une atmosphère plus proche du rêve, du mysthère. Ce que l’enfant est, au fond: un mysthère.



Mon effort constant a été d’exprimer tout ceci, toute cette grande richesse et complexité, avec simplicité, douceur et légèreté. Pour arriver à cela j’ai puisé à l’expérience, à l’observation, à l’imagination, et bien sûr au regard jamais banale de Susie, toujours dans le but de créer ou recréer des atmosphères (situations, émotions, gestes, épiphanies) qui peuvent atteindre tous ceux qui vivent ou ont vécu la même experience, au dèlà des différences.



Au niveau du processus, travailler à tout l’ensemble en même temps c’était plus que jamais fondamentale cette fois-ci, non pas pour raconter une histoire, bien évidemment, mais pour trouver cohérence dans la varieté. En effet, le risque était d’avoir un ensemble d’éclats, de fragments sans lien. Je voulais à ce propos éviter les pages blanches juste habillées avec des petits éléments décousus et didactiques. J’ai donc procedé par degrés: dans un premier temps j’ai tout couché sur papier, sans trop me retenir, pour explorer le plus possible. Une deuxième phase a suivi: écrémer. A ce moment là j’ai pu m’abandonner de manière plus ciblé aux jeux graphiques et d’images que les mots évoquaient en moi. 




L’album ést construit comme une succéssion de planches en double pages, qui au début intercalaient des images larges avec des sujets au gros plan et aux ambiances diverses, fantastiques ou réélles, à des pages riches en détails sur un espace-page plus conceptuel. A la fin, tout ceci a été sacrifié pour des raisons de simplicité (hélas).



L’attention au ton générale devait vigiler sur le caractère de chaque poème. En effet, certains sont poètiques, oniriques ou contemplatifs, aux phrasé plus doux. D’autres sont plus drôles, rapides, rythmés et portés sur une réalité quotidienne. Parfois l’image visualise des passages ou des éléments du poème. D’autres fois elle évoque un thème centrale. D’autre fois encore elle crée, à partir du poème, un développement de l’imaginaire, ou elle s’appuie sur des échos, des renvois, des rappels (comme en musique). C’est la richesse de ce recueil et, pour moi, il fallait garder tout cela. L’invention des images devait en quelques sorte suivre l’invention des mots. Enfin, mon effort à gérér toute cette complexité prévoiait un chemin de fer avec un ton bien caractérisé. J’ai beaucoup travaillé au ton, ce qui est à la fois le caractère, le style, un mouvement (comme en musique, encore...). La projection de l’album était structuré sur la couleur, sur une dominante feutré du bleu de Prussie et ses nuances et variations qui pointillaient toutes les pages. A la fin on a préféré éclaircir et épurer les fonds, pour jouer sur des images plus aériennes et émergeant du blanc. Comment dire qu’Il m’a fallu déscendre de mon nuage de visions sensibles pour être ramenée à un monde plus net, regulier et formel…



Parfois l’enfant a des “déguisements” selon l’imaginaire que les mots inspirent: il est capitaine de navire, dresseur de lions ailés, chevalier, … Dans certains cas, dans les premiers crayonnés, le bébé portait des grenouillères qui rappellaient le plumage des oiseaux (un nouveau Pappageno) ou il avait des ailes. Dans les images réalisées subsiste encore en partie cette idée d’enfant-oiseux, de créature légère aux ailes de papillon. Les oiseaux (ainsi que l’élément aquatique et celui végétal) retourne souvent et encore plus dans les premières études. C’étaient les pivots sur lesquels se bâtissait tout le livre. 




Mr. James M. Barrie était sans doute accoudé quelque part en regardant, avec toute l’humanité réunie des fables classiques. Une présence bienveillante que j’espère encore présente dans l’album et qu’elle suive du regard notre même regard de lecteur/spectateur, comme dans un miroir.